C’est en 1698 que l'italien Bartolomeo Cristofori (1655 – 1731) a inventé un instrument qui s’appelait alors le ‘pianoforte’ – qui a alors la forme d’un piano à queue. C’est dans un document intitulé Giornale dei litterati d ‘Italia et publié en 1711 que Cristofori décrit de manière précise sa création. Une touche sur le clavier actionne un marteau qui vient frapper la corde tout en retombant aussitôt en arrière afin de permettre à la corde de vibrer. Lorsque le pianiste relâche la touche, un étouffoir en feutrine ‘étouffe’ la corde afin de faire cesser sa sonorité de façon gracieuse. Il est à noter que l’essentiel de la mécanique du piano est ainsi décrite par Cristofori.
Le terme ‘pianoforte’ était né de l’accolade de deux mots italiens, d’un côté ‘piano’ qui signifie doux et de l’autre ‘forte’, qui signifie fort. En le nommant ainsi, ce fabricant de clavecins voulait faire ressortir le caractère expressif de ce nouvel instrument. En effet, à la différence du clavecin, le piano autorise les nuances. En réalité, à cette époque, le ‘pianoforte’ est le seul instrument à clavier qui permette à l’instrumentiste d’exprimer toute une palette d’émotions et de sensations. Par la suite, le mot ‘pianoforte’ va se voir abréger en ‘piano’.
Le piano n’a pourtant pas eu de succès du temps de Bartolomeo Cristofori, bien que ce dernier ait amélioré son modèle en 1720 en ajoutant un mécanisme qui deviendra par la suite la pédale douce : lorsque l’on frappe sur une touche, le marteau ne frappe qu’une corde sur deux. Au final, Cristofori ne va construire qu’un petit nombre de pianos et se remettre à la fabrication de clavecins. Lorsqu’il s’éteint en 1731, peu de compositeurs avaient tenté d’écrire des œuvres spécifiquement pour cet instrument. C’est cette même année que Ludovico Giustini publie une œuvre pour piano : Sonata da cembalo di piano e forte detto volgarmente di martellati, la première dont la trace soit encore conservée aujourd’hui.
Quelques années plus tard, en 1725, un fabricant d’orgue allemand, Gottfried Silberman (1683 – 1753) tombe sur un article qui dépeint l’invention de Cristofori. Il s’attelle alors à réaliser son propre modèle tout en ajoutant un élément, une pédale ‘étouffoir’ qui permet de jouer de l’instrument à un plus faible volume. En mai 1747, le roi Frédéric II de Prusse (Frédéric le Grand) qui s’adonne à la composition et possède de nombreux instruments développés par Gottfried Silberman se prépare à recevoir le compositeur Jean-Sébastien Bach dans sa résidence de Postdam. Il entend lui présenter le famieux pianoforte. Lors de la rencontre, Frédéric II présente à Bach alors âgé de 62 ans un thème sur lequel il lui demande d’improviser. En réponse, Bach va composer L’Offrande Musicale, qui va ainsi demeurer dans l’Histoire comme l’une des toutes premières compositions au piano. Il est à noter que les enfants de Bach, notamment Carl Philip Emanuel et Johann Christian vont pour leur part, composer de nombreux morceaux pour le pianoforte et contribuer à la vogue naissante de cet instrument vers la fin du 18ème siècle.
À partir du 19ème siècle, le piano devient un instrument majeur, car les compositeurs romantiques l'affectionnent particulièrement. Ils trouvent dans ses notes délicates ou frappées de quoi exprimer la palette de leurs émotions : Beethoven, Schubert, Listz, Frédéric Chopin, Moussorgsky… Sa popularité est telle que Gustave Flaubert va écrire dans son Dictionnaire des idées reçues achevé en 1880 : ‘piano : objet indispensable dans un salon’.
Dès 1885, le jazz adopte le piano, le musicien Scott Joplin composant de nombreux morceaux dans le style ‘rag time’ dont certains sont connus de tous, tels le The Entertainer, thème du film L’Arnaque. Tout au long du 20ème siècle, les grands pianistes de jazz se succèdent : Eroll Garner, Thelonious Monk, Chick Corea, Keith Jarret…
La musique populaire n’est pas en reste. Des artistes tels que Gilbert Bécaud, Ray Charles, Jerry Lee Lewis, Michel Polnareff, Elton John, Billy Joel, Pascal Obispo vont développer leur carrière essentiellement à partir de chansons accompagnées au piano. Plus récemment, des groupes britanniques tels que Coldplay ou Keane ont assis leur réputation sur scène comme sur disque autour du piano.
Daniel Ichbiah, auteur de nombreuses méthodes d’apprentissage de la musique
Extrait de ‘Le Piano sans Prise de Tête’