Le cryptage désigne le brouillage d’un texte ou d’un message dans le but d’en dissimuler le contenu aux lecteurs non autorisés.
Les techniques de cryptage remontent à la nuit des temps. Déjà au iiie siècle avant J.-C., Jules César tentait de rendre ses messages indéchiffrables en décalant chacune des lettres de trois positions dans l’alphabet. Si chaque époque a vu se raffiner les méthodes de cryptage, une étape majeure a été franchie en 1943 lorsque, sous l’impulsion du mathématicien Alan Turing, un ordinateur développé par l’armée américaine a été affecté à cette tâche. Dans ce type de machine, tous les textes sont codés sous la forme d’une suite de 0 et de 1, ce qui implique qu’ils peuvent être soumis à des opérations mathématiques. Grâce à leur puissance de calcul, les ordinateurs sont en mesure d’opérer un brouillage d’une complexité inouïe. Dans la pratique, le cryptage repose sur l’utilisation d’une « clé » secrète, qui est un nombre premier. Cette clé est multipliée aux chiffres du texte (qui n’est jamais qu’une suite de 0 et de 1) qu’on veut dissimuler aux curieux. Plus le nombre de bits de la clé de cryptage est élevé et plus le message est difficile à déchiffrer. D’abord réservés au domaine militaire, les outils de cryptage sont devenus une condition sine qua non pour le commerce électronique. Qu’il commande une bicyclette ou un livre, lorsque l’internaute tape son numéro de carte de crédit, celui-ci est aussitôt crypté.
Si l’usage public du cryptage est devenu courant aux États-Unis, c’est grâce à la ténacité d’un petit homme tranquille à l’allure d’un vieux hippie, qui au début des années 90 n’a pas hésité à défier le FBI et la NSA, l’organisme officiellement spécialisé dans le (dé-)cryptage.
Militant antinucléaire vivant dans le Colorado, Phil Zimmerman s’est passionné pour Internet vers 1990. En décembre de cette même année, le FBI a déposé une proposition de loi qui obligerait les fabricants de téléphones comme de modems d’intégrer dans leurs appareils un « mouchard ». Les communications seraient cryptées, mais le gouvernement serait habilité à les décoder en cas de situation critique.
Animé par un sentiment d’urgence face à ce qu’il considérait comme une menace pour les libertés individuelles, Zimmerman a fermé son cabinet de consultant et s’est terré dans son bureau au fond du jardin de sa maison. Au bout de sept mois, alors que les factures impayées s’accumulaient, il a publié PGP (Pretty Good Privacy, littéralement Très Bonne Intimité), un logiciel de cryptage qu’il a mis gratuitement à la disposition de tous sur Internet. Dans certains pays totalitaires, notamment en Birmanie, l’emploi de PGP a sauvé des centaines de vies, en empêchant l’interception de documents codés.
En septembre 1991, Zimmerman a appris qu’il faisait l’objet d’une enquête en justice pour avoir favorisé la diffusion d’un outil dont la libre exportation était interdite. La résistance s’est organisée sur Internet, des fonds de soutien furent levés afin de payer ses avocats. Finalement, en janvier 1996, Zimmerman a vu le gouvernement abandonner ses poursuites. Entre-temps, le contestataire avait eu bien des motifs de satisfaction. Une fois libéré d’une telle menace, Zimmerman a fondé la société PGP pour commercialiser son logiciel de cryptage — aujourd’hui encore, il opère comme conseiller de la PGP Corporation.