dmoz Qui a créé le web ? - Dmoz.fr | Actualité insolite
Aller au contenu

Qui a créé le web ?

  • par

Qui a créé le Web ?

Le destin d’Internet prit une nouvelle tournure en 1991, lorsque Tim Berners-Lee, un informaticien du CERN développa le World Wide Web – ou “toile d'araignée mondiale”. Grâce à ce système, il devenait possible de créer aisément des pages d’informations, et de créer des liens entre divers serveurs d’Internet. Il suffisait d'utiliser un langage fort simple conçu par Berners-Lee : l’HTML.

La communauté Internet accueillit le World Wide Web (www) avec le plus vif intérêt. Les principaux serveurs décidèrent de présenter désormais leurs informations sous forme de pages écrites en HTML. L’apparition du Web était une étape majeure car un utilisateur pouvait désormais consulter les informations d’Internet sans avoir à connaître la moindre commande informatique.

Toutefois, pour qu’Internet puisse être accessible au grand public, il manquait un logiciel qui permettrait de naviguer sur le Web par le biais d’une interface à la Macintosh/Windows. L’initiative allait venir d’un étudiant blond de 21 ans dont le nom trahissait de lointaines origines scandinaves. Marc Andreessen était un surdoué qui s’est distingué par un parcours scolaire exemplaire, même s’il avait souvent séché les cours. En cette fin d’année 1992, Andreessen effectuait des études au NCSA , une division de l’Université de l’Illinois. Fasciné par Internet, il rêvait de créer un logiciel qui cacherait la complexité du Web derrière une présentation conviviale à base d'icônes et images.

C’est à la suite d’une ardente discussion avec un collègue, Eric Bina, au café Expresso Royale, que la décision d’aller de l’avant fut prise. Aidé de cinq autres programmeurs de haut niveau, Andreessen consacra huit semaines intensives à la création d’un programme qui permettrait de naviguer aisément sur le Web. Tout au long de cette période, les six étudiants de la NCSA travaillèrent nuit et jour, se nourrissant pour l'essentiel de lait et de gâteaux au chocolat. Le logiciel fut prêt en janvier 1993 et il fut baptisé Mosaic. Ses créateurs l'ayant conçu pendant leur période universitaire sans arrière-pensée commerciale, ils décidèrent de le placer en diffusion gratuite sur le serveur de la NCSA.

Un phénomène de bouche à oreille se développa très rapidement à propos de Mosaic et le serveur de la NCSA fut bientôt assailli de requêtes demandant à télécharger ce logiciel. Il est vrai qu'avec Mosaic, la navigation sur le Web devenait un régal : un simple clic sur un texte ou une image suffisait pour passer d’une page d’information à une autre. Le 8 décembre 93, le New York Times estima que Mosaïc était « l’application irrésistible tant attendue pour Internet ».

Au même moment, Marc Andreessen se préparait à quitter la NCSA, sa licence d'informatique en poche. L'une des raisons motivant son départ était que le directeur du développement, Joseph Hardin, ne désirait plus voir Andreessen continuer à travailler sur Mosaic. La popularité de ce logiciel ne cessait de croître et Hardin estimait que Andreessen en récoltait un crédit excessif, là où Mosaic avait été avant tout un travail d'équipe. Le jeune diplômé n'avait pas insisté, il était lassé de demeurer dans une région essentiellement composée selon lui de “champs de blés et cochons”. Il partit pour la Californie et trouva un emploi dans une entreprise de Palo Alto. Andreessen n'allait pas tarder à recevoir un E-mail d'un dénommé Jim Clark, ancien fondateur de Silicon Graphics…

Mais un autre phénomène évoluait en parallèle : peu après l'arrivée de Bill Clinton au pouvoir, le vice-président Al Gore avait vanté les mérites d'un modèle, les “autoroutes de l’information” qui allaient relier demain chaque foyer américain à des sources de connaissances. Il apparaissait à présent que le World Wide Web d'Internet était la meilleure concrétisation de ce modèle. Il suffisait en effet de posséder un ordinateur et un modem pour découvrir un curieux melting pot culturel : oeuvres de Shakespeare, clips de Madonna, reproductions de toiles de Dali…

Le décollage d'Internet auprès du grand public allait se produire à la faveur de l'entrée d'un mastodonte des réseaux dans l'arène. En mars 1994, le réseau privé America Online (AOL), qui regroupait plus d'un million d'abonnés ouvrit un accès à Internet. Presque immédiatement, six cent mille curieux débarquèrent sur les forums et sur le World Wide Web à la grande surprise des habitués du réseau qui voyaient ainsi débarquer l'Amérique profonde dans leur pré carré…

Natif de Hawaii, Steve Case avait découvert l’univers des réseaux 12 ans plus tôt et s’en souvenait encore comme d’un moment magique. Lorsqu’il avait fondé AOL en 1985, il ambitionnait de faire partager ce frisson au grand public. AOL allait marquer sa différence en se positionnant comme un lieu de discussion interactive. Alors que d’autres privilégiaient la qualité du “ contenu ”, Case jugeait préférable d’aider à l’établissement de communautés : joueurs de bridge, globe-trotters, amis des animaux… Sur AOL, on papotait par clavier interposé, et parfois, des stars du rock ou du sport étaient à l’autre bout.

Au moment de son entrée en Bourse en 1992, AOL disposait de 150.000 membres. Un service concurrent dirigé par IBM, Prodigy, avait alors annoncé une augmentation brutale de ses prix. Saisissant la balle au bond, Steve Case avait convié les déçus de Prodigy – alors au nombre de 2,5 millions – à rejoindre un AOL aux tarifs plus doux. La manoeuvre avait si bien réussi que Microsoft même songeait à créer un réseau privé similaire à AOL, MSN. Il est vrai que Steve Case avait superbement boudé l'offre de rachat que lui avait fait Bill Gates au printemps 1993.

Pour l'heure en début d'année 1994, Case avait choisi d’ouvrir AOL au réseau qui avait le vent en poupe, Internet. Pour mieux inciter tantes et oncles à venir se frotter à l’univers canaille du “ Net ”, il inondait le marché de millions de disquettes proposant un essai gratuit d’AOL pendant 10 heures. Bill Gates s'était d'ailleurs laissé aller à une saillie ironique : “Regardez dans votre poubelle. Je suis sûr que vous y trouverez deux ou trois disquettes AOL”. Il n’empêche que la courbe prenait des allures exponentielles. AOL comptait 1 million d’abonnés en août 1994, il en aurait 3 fois plus un an plus tard…

Au début de l’année 1994, un quinquagénaire du nom de Jim Clark avait découvert Mosaic. Il avait alors eu un choc… Tant d'informations étaient accessibles depuis un simple ordinateur : de la littérature, des images, des sons comme s'il en pleuvait…. Clark avait eu une intuition : l'eldorado de l’ère numérique se trouvait là !

En 1982, Clark avait fondé Silicon Graphics avec pour ambition de créer des ordinateurs qui permettraient de créer des simulations graphiques 3D hyperréalistes. A Hollywood, plusieurs studios avaient bientôt perçu les potentiels qu'ils pourraient tirer de telles machines. Les effets spéciaux de Abyss étaient nés sur les stations de Silicon Graphics. En 1994, les ordinateurs de ce constructeur avaient le vent en poupe : ils avaient servi à créer les spectaculaires métamorphoses de Terminator 2 et les fabuleux dinosaures de Jurassic Park. A présent, Jim Clark voulait aller de l'avant, persuadé que l'avenir résidait dans les autoroutes de l'information et le multimédia. Hélas, le millionnaire se heurtait à une opposition telle, à l'intérieur de son entreprise, qu'il avait l'impression “de pousser de toutes mes forces un objet impossible à déplacer”. En février 1994, Clark avait donc démissionné de Silicon Graphics, tout en conservant une part de 1% dans cette entreprise qui lui assurait un capital de 37 millions de dollars.

Clark avait immédiatement pris contact avec Andreessen. Il voulait que le programmeur crée une version commerciale de Mosaic, qui rendrait plus simple encore, l’accès au Web. Les deux hommes avaient passé de longs moments à discuter sur le yacht de Clark et Andreessen avait finalement suggéré la création d'une entreprise qui porterait le nom de Mosaic Communications, afin de capitaliser sur la popularité naissante de ce logiciel. La société fut créée le 4 avril 1994, Clark ayant investi 4 millions de ses propres dollars dans l'aventure. De son côté, Andreessen veilla à recruter plusieurs membres de l'équipe de développement formée au NCSA, notamment Eric Bina.

Au même moment, Microsoft allait découvrir les vertus du Web à la faveur d'un hasard météorologique. Stefen Sinofsky, l’un des conseillers techniques de Bill Gates se trouvait à l’université de Cornell à des fins de recrutement. En ce mois de février, au moment de repartir de l’aéroport, une tempête de neige avait empêché son avion de décoller. Dépité, Sinofsky s’en était retourné sur le campus et ce qu'il avait vu l'avait laissé bouche bée : entre deux cours, les étudiants se précipitaient sur les ordinateurs afin de se connecter sur Internet. Avec passion, des élèves créaient des sites Web sur Björk, sur la Formule 1 comme sur l'astronomie. En moins d’un an, une véritable culture du Web s'était répandue dans le monde estudiantin !

Sinofsky avait alerté Bill Gates : les autoroutes de l’information existent, elles se développent librement sur le Web ! Pourtant, le patron de Microsoft se montrait sceptique face aux potentiels d'Internet. Le modèle d'un réseau privé tel que celui d'AOL lui apparaissait comme la voie à suivre. Gates n'avait donc pas donné suite. Pour une fois, celui dont on avait si souvent loué les qualités de visionnaires n'avait pas vu venir ce qui se préparait.

Les deux premiers fournisseurs d'accès français, Worldnet et Francenet apparurent le même jour, le 15 juin 1994 – sans qu'il y ait eu la moindre concertation. Dans le manuel qui accompagnait le kit d'installation, Sébastien Socchard de Worldnet écrivait : « L’apparition d’Internet est aussi importante que l’invention du chemin de fer ! ». Rafi Haladjian de FranceNet se heurtait pour sa part de l’incompréhension d’une grande partie de la presse généraliste, qui ne voyait vraiment pas à quoi tout cela pouvait bien servir !

Si la France allait prendre un certain temps à adhérer aux merveilles du Web, l'engouement général pour Internet devenait indéniable. Certaines enquêtes évaluaient déjà le nombre d’utilisateurs à trente millions de part le monde.

Le logiciel réalisé par Mosaic Communications fut prêt en septembre 1994. Il était alors baptisé Mosaic Netscape. Dans une interview donnée au Wall Street Journal, Andreessen expliquait que ce programme était dix fois plus rapide que le Mosaic qu'il avait aidé à développer lorsqu'il était étudiant. Mais le NCSA, pour sa part, commençait à prendre ombrage d'une telle évolution des choses. En août, une société du nom de Spyglass avait acquis les droits exclusifs de commercialisation de Mosaic auprès de l'université. A présent, Spyglass entendait poursuivre Mosaic Communication en justice, soutenu en cela par l'Université de l'Illinois.

Soucieux d'éviter les problèmes juridiques à quelques semaines du lancement de son logiciel, Jim Clark opta pour un accord à l'amiable. Sa société allait être rebaptisée Netscape Communications et elle verserait 2,2 millions de dollars à l'Université de l'Illinois à titre de compensation.

Mais le changement de nom n'allait nullement affecter la carrière du logiciel Netscape Navigator. Sa convivialité était trop forte. D'ailleurs, en fin stratège, Clark avait jugé de suivre l’exemple de Mosaic et de distribuer dans un premier temps Netscape Navigator gratuitement, afin de l'imposer comme un standard incontournable du World Wide Web.

Le succès de Netscape fut immédiat. En quelques mois, ce « navigateur » s’imposa comme le logiciel de choix pour surfer sur le Web – 80 % des visiteurs de la toile d’araignée mondiale disaient l’utiliser. L'édition de décembre 1994 de Time plaçait Marc Andreeseen comme l'un des 50 jeunes leaders les plus importants des USA. Ayant imposé un standard, Clark pouvait désormais proposer son logiciel en version payante. Netscape Navigator grimpa immédiatement en tête des ventes aux Etats-Unis.

Le reste appartient à l’Histoire…

Daniel Ichbiah

Auteur du livre ‘Les Nouvelles Superpuissances

-