liquidation judiciaire

Cautionnement et liquidation judiciaire : 4 jurisprudences 4 parades

  • Auteur/autrice de la publication :
  • Temps de lecture :6 min de lecture
  • Post category:Société

Le cautionnement de l’entreprise par le gérant personne physique, ou par une autre personne, voir une personne morale, ne devrait jamais être donné à la légère par celui qui se porte caution. Ceci annule les effets protecteurs de la forme juridique à responsabilité limitée (SARL et EURL).

Vu les conséquences désagréables pour la caution personnelle en cas de liquidation judiciaire, il convient d’essayer de trouver d’autres parades à la caution dès l’investissement (prêt, leasing…) ou la prise de bail.

Si jamais vous ne pouvez faire autrement, sachez que vous bénéficiez en cas de redressement judiciaire d’une suspension des actions contre la caution pendant la durée de la procédure. En cas de liquidation (simple ou après un plan de redressement), les créanciers peuvent directement entamer les poursuites. Toutefois, le tribunal de commerce peut déterminer une période d’observation  d’au maximum de 18 mois. Les cautions personnes physiques ne peuvent pas être poursuivies pendant cette période.

Mais voilà, dès la période terminée, les poursuites peuvent reprendre !

Existe-il une parade ou des parades ? En fait tout dépend de votre situation et comment elle pourrait être appréciée par la justice, si vous décidez de dénoncer votre caution avec l’aide d’un avocat.

– la caution avertie

C’est celle qui c’est où elle met ses pieds : un gérant, associé à 40%  , qui donne sa caution personnelle à la banque pour un prêt est une caution avertie ! Il n’a pu utiliser l’argument de cautionnement disproportionné pour s’en sortir ! (cass. com. 24 mars 2009, n° 08-10183)

Par contre, une gérante qui avait occupé un emploi de documentaliste sans étude de gestion (mais avait un Master, Bac + 5, en Lettres) avait donné sa caution pour l’endettement de son entreprise à un établissement de crédit. La Cour de Cassation précisa que la qualité de caution avertie ne se déduisait pas des seules fonctions de l’intéressée dans la société de la débitrice ! (arrêt du 12 avril 2012, droit des sûretés)

PARADE : vous avez vu que le cas et l’histoire personnels de chacun peut vous prémunir ou non du cautionnement. Cela laisse tellement de place à l’interprétation que vous ne devez en aucun cas y compter dessus !

– le cautionnement des dettes futures

Attention, vous êtes gérant, vous avez contracté un emprunt dont vous êtes caution portant sur les dettes encours et celles à venir.
Mais voilà, vous vendez votre entreprise (saine ou en difficulté) et l’activité cédée ne parvient pas à se maintenir : entreprise en liquidation judiciaire.
Vous vous croyez protégé car vous n’êtes plus gérant de l’entreprise ? Détrompez vous !!!

Même si vous êtes à la retraite ou que vous n’êtes plus depuis longtemps le gérant, vous êtes redevable auprès des créanciers qui ont recherché la caution lors de la liquidation judiciaire !

PARADE : A la signature du contrat et de son cautionnement, demandez une clause contractuelle qui vous permette de vous dégager du cautionnement lorsque vous cessez vos activités de gérant (ou autre fait).

(Cour de Cassationn, Arrêt du 8 janvier 2008)

– le créancier oublie de déclarer sa créance

Les créanciers dans le cadre d’une liquidation judiciaire doivent déclarer leurs créances dans un délai imparti au liquidateur judiciaire. En l’occurrence, deux associés qui louaient un local avaient donné leurs cautions personnelles. Les propriétaires vendent l’immeuble à une SCI. Lorsque la société des deux compères a fait faillite, la SCI a oublié de déclarer sa créance de loyers impayés à la liquidation.

Cet oubli n’a pas annulé la caution solidaire comme l’aurait souhaité les cautions. Par contre la défaillance du créancier a eu pour effet, non pas d’éteindre la créance, mais d’exclure son titulaire des répartitions et dividendes. Les créanciers chirographaires n’avaient en plus pas pu être réglées …

(Arrêt de la Cour de cassation, Chambre commerciale, rendu le 12/07/2011, rejet (09-71113))

PARADE : n’essayez pas de vous défiler, comme vous le voyez. Ce pan de droit est très complexe et les cautions données ne sont généralement pas annulées. La seule parade possible est de s’arrêter AVANT que les dettes – comme dans ce cas – n’atteignent des sommes qui ne pourraient pas être réglées par la réalisation (ie. vente) de l’actif.

– l’engagement disproportionné entre les ressources de la caution et le taux de l’engagement

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais lorsque vous demandez un financement à une banque, surtout en ce moment, elle vous demande quasiment toujours de vous porter caution personnelle. Et bien souvent, lorsque cette demande se fait dans un moment compliqué pour l’entreprise, la banque n’hésite pas à vous demander votre caution personnelle à 100 voir 120 % du montant du financement !

Sachez que c’est arrivé à un entrepreneur des Pyrénées, mais il a argué, que vu le montant cautionné, sa caution était manifestement disproportionnée par rapport à son patrimoine et ses ressources. Après avoir relevé que la caution était une personne physique, et donc que les dispositions de l’article L341-4 du code de la consommation, étaient applicables à son engagement, la Cour a jugé que la banque avait fauté et avait engagé sa responsabilité envers la caution. Le Crédit Agricole (caisse des Pyrénées) a été déboutée de sa demande en paiement formée à l’encontre de notre entrepreneur.

(Arrêt de rejet de la Chambre commerciale de la Cour de cassation rendu le 22/06/2010)

PARADE : n’ayez aucun sentiment avec votre banquier. De toute manière, dans quasiment 90 % des cas, votre interlocuteur ne peut rien sur le cautionnement (il n’a pas de délégation). Tout passe par les bureaux et autres directions régionales, et souvent pour se couvrir, elles vous imposent des cautions « non raisonnables » : alors même que vous ne vous payez pas chaque mois 1500 €, vous pouvez vous retrouver deux fois cautions pour un montant global de 40000 € (leasing + prêt).

N’hésitez pas dès lors à en parler à un avocat de permanence (Maisons de la Justice, Chambre des métiers, etc.).