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Paco de Lucia: Coucher de soleil andalou entre deux eaux

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Coucher de soleil andalou entre deux eaux

Le 25 février 2014 est mort Francisco Sánchez Gómez d’une crise cardiaque à Playa del Carmen, une station balnéaire de la péninsule du Yucatan, au Mexique. Ce nom n’évoque pas grand-chose. Par contre, son nom de scène est beaucoup plus célèbre : Paco de Lucia.

De cet énorme guitariste, qui a littéralement redonné vie à un flamenco poussiéreux en lui incorporant du jazz et du blues, grâce à son sens de l’improvisation et une virtuosité technique inégalée, demeurent quelques œuvres mythiques. Ces œuvres, nous en connaissons plus ou moins deux ou trois, sans savoir leur nom exact. Sûrement le “concertó de Aranjuez”, “Friday Night in San Francisco”, “Alta Mar”, “Ímpetu y panaderos” ou “La Barrosa”. Mais le morceau qui reste le plus profondément marqué dans les mémoires est le fameux « entre dos aguas », « entre deux eaux ».

Ce morceau d’anthologie sort sur un album de 1973, appelé « Fuente y caudal » (« source et cours », en référence à un fleuve). Cet album, très travaillé, marque une étape décisive dans la carrière du guitariste. Tout d’abord, parce que ce fut le premier album dans lequel il commença à sortir du carcan du flamenco traditionnel pour se libérer réellement et laisser ressortir son style unique. Ensuite, parce que il eut un succès international, notamment grâce au fameux « Entre deux eaux ».

Or, il s’avère que, ce morceau mythique, n’était pas prévu initialement. En effet, alors qu’ils étaient en studio, à la fin de l’enregistrement de « Fuente y caudal », le producteur de Paco, José Torregrosa, lui fit remarquer qu’il manquait une piste pour compléter le vinyle et lui demanda de composer un autre morceau rapidement. Paco, dut improviser rapidement ce morceau. Il composa donc une rumba, à partir de thèmes qu’il avait déjà travaillés et, de façon spontanée, en continuation de l’esprit de l’album qu’il venait d’enregistrer, suivant le cours du fleuve… Le paradoxe pour un artiste si méticuleux et perfectionniste comme Paco de Lucia, est que, ce morceau « bouche-trou », improvisé si rapidement, fut l’un des meilleurs de l’album et, peut-être le plus célèbre de toute sa carrière… c’est ce même morceau qui permit à Paco de sortir du cercle très fermé et limité du flamenco pour devenir un artiste atemporel, écouté et apprécié par un public très large et plus uniquement par les initiés du flamenco.

Le morceau commence tout doucement, sur le son grave des cinquième et sixième cordes de plusieurs guitares, marquant comme une sorte de basse, le rythme tranquille d’un cours d’eau naissant. Puis commencent les bongos, clairsemés au début, puis plus rapides et rapprochés, comme les clapotis de l’eau sur des cailloux. Puis, le son des guitares sèches se fait plus aigu. Enfin, après 18 secondes, monte le son de la guitare de Paco, lançant la mélodie centrale. Ce refrain revient constamment et anime, donne cette gaîté au morceau, mais aussi cette touche très typée andalouse. La suite est un dialogue entre la guitare de Paco et celle de son frère, qui semblent courir ensemble.

A l’écoute de « entre dos aguas », on se sent en Andalousie, dans un cadre naturel, on visualise presque le fleuve, peut-être le Guadalquivir, qui nait tranquille dans les montagnes enneigées de la Sierra de Cazorla, traverse toute l’Andalousie, des montagnes couvertes de pins, des collines couvertes d’oliviers, aux plaines riches de Cordoue, il s’accélère dans les montagnes en amont de Séville, traverse majestueusement la Capitale andalouse en embrassant l’île de Triana en son centre, puis les marais de Doñana et, toujours plus large et majestueux, va finir sa course épique dans les eaux salées de l’océan atlantique, à San Lucar de Barrameda, le port de départ des conquistadors. Le rythme s’emballe sur la fin, on se voit sur un bateau traversant l’océan, on croit reconnaître des intonations de cumbia, peut-être sommes-nous arrivés en Amérique latine ?

Le morceau et l'album se terminent alors sur un grand coup de corde, comme un point final.

http://www.youtube.com/watch?v=y9aHdr7EvUw

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