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La sylviculture irrégulière : une gestion forestière écologique

Une forêt est un écosystème très riche du fait du grand potentiel d’habitats qu’il possède. En effet, les arbres qui le structurent permettent à cet écosystème de se développer en hauteur sur plusieurs dizaines de mètres. Donc le volume et la diversité des habitats disponibles pour les différents organismes vivants (végétaux, animaux, champignons, bactéries, etc) sont d’autant plus grands. Comme la plupart des écosystèmes terrestres, son véritable capital est son sol (« terre » présente entre la roche et la surface) qui fait figure de réserve de matière organique et lui fourni une résistance aux éventuels accidents qui peuvent survenir (incendie, tempête, sècheresse). Ce sol qui peut parfois mettre des milliers d’années à s’accumuler, a besoin pour se maintenir en bon état de la végétation qui le recouvre. Ainsi les racines tiennent le sol, les végétaux et les feuilles le protègent du ruissellement et de l’érosion, la forêt maintien un microclimat sous la canopée des arbres. En effet, en forêt il ne fait jamais vraiment sec et il n’y a jamais vraiment de vent.

Après cette introduction très simplifiée de ce qu’est un écosystème forestier, vous comprenez facilement l’importance cruciale de garder constamment des arbres sur pied sur une parcelle forestière et de ne jamais « mettre à nu » le sol forestier. C’est-à-dire de ne jamais avoir de période où tous les arbres sont coupés (« coupe rase » ou « coupe à blanc »). Cette pratique est extrêmement nuisible bien que transitoire. Vous imaginez bien qu’entre « avant » et « après » cette coupe, l’écosystème est radicalement détruit et souvent complètement remplacé par un écosystème différent et pas forcément adapté. Par exemple cela peut-être une plantation pure de résineux sur une grande surface (uniquement des arbres de la même espèce de pin). Certes d’autres espèces d’êtres vivants s’y trouveront fort aise mais la diversité et le sol s’en trouveront très affaiblis.

Ce modèle productiviste consiste dans le pire des cas à couper tous les arbres sur une grande surface, à détruire les souches, à broyer le sol sur 20 cm, à planter en ligne des plants (petits arbres) élevés en pépinière puis à entretenir (broyer) régulièrement entre les lignes de la plantations, etc. Ce modèle est donc évidemment très créateur d’emploi (à chaque étape) et est logiquement très largement promu. Il est à noter tout de même que ce modèle à été banni dans les forêts publiques allemandes depuis plus de 20 ans…

Avec ces éléments à l’esprit nous arrivons donc à aborder ce que peut-être une sylviculture (culture des arbres) écologique. Nous précisons tout de suite que nous sommes très pragmatiques, absolument pas dogmatiques et tout à fait intéressés par le rendement de la forêt afin d’en vivre (rendement toujours faible dans l’absolu en comparaison avec d’autres secteurs : TRI(1)~2 et 4%). Il n’est pas ici question de « naturalité » de la forêt, l’immense majorité des forêts d’Europe est fortement marquée par la main de l’homme et depuis plusieurs siècles. Ce mode de gestion l’assume complètement.

Ainsi nous appliquons dans la mesure du possible une sylviculture qui tient compte du fait que le vrai capital productif de la forêt est l’écosystème et le sol. Nous récoltons donc progressivement les arbres en ayant en permanence un couvert forestier présent. Pour ce faire il faut donc à termes disposer d’arbres de toutes les tailles simultanément : arbres de quelques années appelés « semis » qui forment « la régénération naturelle », de jeunes arbres de quelques dizaines de cm de diamètre, d’arbres moyens de 30 à 50 cm de diamètre et ainsi de suite jusqu’à 80 cm de diamètre. Cette taille est la limite acceptée par la plupart des installations des scieries françaises. Ces arbres peuvent êtres répartis selon une mosaïque de surfaces de 0,5 hectares par exemple (carré de 70 mètres de côté) ou encore complètement mélangés (« pied à pied »). L’ensemble de ces modes de gestion sont appelés « futaie irrégulière », la futaie désignant l’ensemble des arbres et irrégulière précisant qu’ils sont d’âges différents. Ceci s’oppose à la « futaie régulière » décrite précédemment dans le modèle productiviste où tous les arbres ont le même âge puisque tous plantés en même temps. La gestion en futaie irrégulière permet de toujours garder un couvert forestier et un écosystème fonctionnel avec une intégrité et une résilience forte. A cela il est possible de rajouter quelques ficelles du métier et quelques bonus : canaliser le passage des machines (porteurs et débardeurs qui viennent ramasser les troncs abattus pour les amener en bord de route) sur des tracés balisés et fixes (chemins d’exploitation ou cloisonnement) afin de tasser les sols sur des surfaces les plus réduites possibles ; intervenir en temps secs pour réduire ces tassements ; garder des arbres morts au sol et sur pied qui servent de réserves d’eau et de biodiversité. Il est clair que ces modes de gestion sont techniquement plus complexes et nécessitent des personnels formés. Pour autant toutes les nouvelles générations de techniciens forestiers français sont capables de le faire.

Même sur le court terme les rendements de ce mode irrégulier de gestion sont au moins aussi productifs voir plus que la méthode dite « productiviste »(2). Cela se comprend intuitivement par le fait que la croissance des arbres est dépendante de l’énergie lumineuse qu’elle reçoit (photosynthèse). La surface de réception de la canopée d’une futaie régulière est plate et est donc moins importante que celle d’une futaie irrégulière présentant des creux et des bosses. De plus les risques sont moindres car la monoculture est structurellement fragile face aux tempêtes comme en 1999 (risque climatique) et biologiquement risquée car elle attire les ravageurs (risque sanitaire). La sylviculture « écologique » réduit fortement les investissements au départ, ce qui lui permet largement de rivaliser en rentabilité finale. Au-delà de tous ces arguments techniques et économiques, une forêt est d’abord et surtout un bel endroit où l’on aime se promener et où l’on se sent bien, un écosystème vivant auquel on s’attache.

(1) TRI : Taux de Rentabilité Interne (d’un placement) = pourcentage de bénéfice annuel par rapport au capital investi

http://fr.wikipedia.org/wiki/Taux_de_rentabilit%C3%A9_interne

(2) http://www.crpf.fr/Bretagne/pdf-information/Futaie-irreguliere.pdf
http://www.agroparistech.fr/coursenligne/sylviculture/Jardinage.pdf

Lien : www.avenirforet.com

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