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De la crainte des travailleurs sociaux par rapport à « l’Écrit »

Le travail social a évolué ces 10 dernières années avec une succession de lois venant bousculer les habitudes des éducateurs et autres travailleurs sociaux. La loi du 5 mars 2007 est venue réformer la protection de l'enfance avec en tout 40 articles.

L'aspect principal est que : « L’intérêt de l'enfant, la prise en compte des besoins fondamentaux physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits, doivent guider toutes décisions le concernant ». C'est une loi qui définit clairement la protection de l'enfance et qui clarifie les rôles de chaque acteur professionnel.

Le Président du Conseil général devient le responsable de la protection de l'enfance. Le compte-rendu des actions menées en faveur d'un enfant doit se faire par écrit et être adressée au Président du Conseil général lorsque la mesure éducative est judiciaire. Cet écrit met en difficulté de nombreux travailleurs sociaux.

En effet, quoi écrire ? Pour qui ? Et quelles seront les conséquences ? Ces questions troublent.

Écrivons-nous pour rendre compte de notre action, ou pour être jugés sur la qualité du travail mis en œuvre ? A mon sens, l'écrit à plusieurs objectifs essentiels. Les associations habilitées sont financées intégralement par les départements. Les sommes allouées se chiffrent en millions d’euros (argent public). Cela signifie qu'il est nécessaire de rendre compte aux financeurs de l'utilisation des fonds délégués par le biais de divers écrits professionnels. De plus le Président du Conseil général, responsable de la protection de l'enfance, devient coresponsable de l’action menée envers telle ou telle famille.

Dés lors comment expliquer cette défiance entre les conseils généraux et les services habilités ?

Dès l’origine, le travail social a fonctionné sur « la parole », l'oralité était la règle l'écrit l'exception. Puis, quelques faits divers ont défrayé la chronique (un enfant maltraité connu des services sociaux est retrouvé décédé sans avoir été protégé par les services concernés, autres cas de maltraitance, enfant torturé par son co-pensionnaire, …). La population exprime alors son mécontentement par rapport à l'argent gaspillé pour d’aussi détestables résultats. Jusqu'à présent subsistait cette image de toute puissance des services sociaux envers les familles maltraitantes et souvent précarisées.

Désormais, les lois de 2002, puis 2007 mettent au même niveau les acteurs concourant à la protection de l'enfance et les bénéficiaires.

Depuis, les écrits deviennent un compte rendu nécessaire des actions menées, même s’ils peuvent être pris pour un contrôle déguisé. A mon avis ils se situent différemment, car ils permettent de se distancier des situations douloureuses ; se détacher permet une réelle réflexion critique et par là même une posture professionnelle. De plus la synthèse des actions menées est nécessaire pour un travail de qualité ; aller à l'essentiel et éviter les informations surchargeant le dossier facilitera la prise de décision du magistrat. Cela permet également d'ouvrir des pistes de propositions pertinentes sans aucun jugement de valeurs ; les faits, rien que les faits.

L'éducateur spécialisé se trouve souvent dans le cadre judiciaire et doit cherche l'adhésion de la famille avant tout.
Dans ce contexte le sentiment de trahison au cours de l'élaboration de l'écrit peut se faire sentir. Comment écrire sans trahir et sans manipuler la parole de l'autre ? Concernant notre hiérarchie, nous sommes dans l'obligation de nous ouvrir, de nous dévoiler et d’expliquer nos pratiques professionnelles. On se découvre alors acteur-auteur et responsable. La prise de position, la posture professionnelle apparaissent.

Le citoyen n'hésite plus à faire appel à la justice lorsqu'il n'arrive plus à se faire entendre.

Peu présents dans les procédures d'assistance éducative, les avocats lors des audiences de fin de mesure prennent désormais une place prépondérante. Tous les écrits sont analysés, et souvent mis en cause par la défense. Questions classiques lors d’une audience « comment pouvez- vous affirmer cela sans avoir vérifié ? » (l’inscription en centre aéré, le suivi au CMP, ….). Dés lors la maîtrise de l'écrit devient essentielle, et malheureusement trop peu prise en compte par les travailleurs sociaux. Des dépôts de plainte pour diffamation, dénonciation calomnieuse ou atteinte à la vie privée commencent à être fréquents par rapport aux procédures d'assistance éducative.

D'autres écrits bientôt disponibles avec des exemples de jurisprudence qui feront froid dans le dos à de nombreux éducateurs spécialisés …

Riadh BEN NACEUR
Consulter https://sites.google.com/site/actionsocialeformation/

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