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Enquête sur la crise financière : à qui profite le crime ?

Depuis le début de la crise financière, beaucoup d’encre a coulé pour tenter d’en décrypter les causes. La majorité des analystes s’accorde à désigner comme grande coupable la dérégulation des années 80, et plus particulièrement l’une de ses manifestations les plus dévastatrices, la titrisation. Mais la conséquence de ce constat, c’est qu’il revient à dire qu’il n’y aurait pas d’hommes et de femmes responsables. « C’est la faute au système » est devenu un credo ancré dans tous les esprits. Tout aurait très bien fonctionné jusque là, la crise des subprimes ne serait finalement qu’un « dérapage » ponctuel et presque normal en économie de marché.

Pourtant, nous avons eu besoin de pointer quelqu’un du doigt pour lui faire expier les millions de nouveaux chômeurs des pays développés. En décembre 2008, alors que les Etats-Unis basculent inéluctablement dans la récession, Bernard Madoff apparaît comme le coupable idéal. Sa notoriété est très élevée ; sa chute n’en devient que plus terrible. Sans compter que le financier ne s’est pas contenté d’escroquer des milliers de citoyens américains, mais a également trompé les plus grandes banques mondiales à l’instar de HSBC ou Santander. C’est alors un seul homme, présenté par les médias américains sous la forme du Joker rusé et sadique de l’univers de Batman, qui est placé au cœur du dispositif d’autojustification du système financier. Au terme d’un procès sans appel, celui qui est déjà devenu le symbole de cette crise est condamné à 150 ans de prison ferme.

Mais la société n’a pas puni les coupables de la crise. Bernard Madoff n’est en rien à l’origine des dérives de ce système, il n’en est qu’une émanation. En démocratie, les coupables sont à chercher au niveau politique. Quels (dé)régulateurs ont permis une telle opacité sur les marchés financiers ? Comment a-t-on pu laisser la main invisible s’engourdir au point de laisser des hommes s’enrichir au détriment de la société ? L’absence totale de régulation du marché des dérivés n’est pas tombée du ciel. Des coupables existent. Plusieurs hommes politiques américains ont transformé le système financier pour leur propre intérêt et ceux de leurs semblables.

En 1999, Phil Gramm, alors sénateur républicain du Texas est l’un des principaux contributeurs du Financial Services Modernization Act. Cette loi a pour effet de rendre caduc le Glass-Steagall Act, qui avait permis de protéger l’industrie bancaire américaine après la crise de 1929 en établissant une séparation entre les activités de banque d’investissement et de banque de dépôt. Phil Gramm ouvre ainsi la possibilité aux banques de réaliser d’immenses profits au détriment des déposants et de l’équilibre du système financier américain. L’année suivante il fait passer une loi contre la réglementation des produits dérivés. On pourrait arguer que le sénateur avait en tête l’intérêt des Etats-Unis et de ses citoyens au moment de faire voter cette loi, que seul son raisonnement économique était mauvais. Mais la réalité est moins rose : en 2002 il quitte le Sénat et entre dans la prestigieuse société de services financiers UBS en tant que vice-président chargé de la division banque d’investissement. Voilà ce qu’on appelle un job taillé sur mesure ! Aujourd’hui, ces lois sont reconnues par la plupart des économistes comme ayant largement contribué à la crise des subprimes.

Parallèlement, un autre homme devient successivement président de la banque qui a le plus profité de la crise financière, puis secrétaire au Trésor américain au moment du sauvetage de l’économie américaine : Henry Paulson. L’ex-PDG de Goldman Sachs a lui aussi finement manœuvré dans l’intérêt exclusif de sa banque et au détriment de tout principe moral.
Petit rappel des faits : après avoir acheté des masses considérables de produits toxiques, les financiers se rendent compte du risque que porte leur banque en cas de retournement de l’économie. Ils se couvrent alors contre le risque de défaillance auprès de sociétés d’assurances (principalement AIG) qui considèrent ces produits comme sûrs du fait de leur excellente notation. Mais au moment de la crise, AIG n’est pas en mesure de rembourser ses engagements de centaines de millions de dollars auprès de Goldman Sachs. Entre temps, M. Henry Paulson est devenu secrétaire au Trésor et a pu concocter un plan d’aide de 700 milliards de dollars payés par les contribuables pour sauver l’économie du désordre qu’il a lui-même instillé chez Goldman Sachs. Au passage, ce plan aide AIG à honorer ses dettes, mais il omet de sauver Lehman Brothers, premier concurrent de Goldman Sachs…

La crise des subprimes n’est donc pas tombée du ciel. Mais il va de soi que les périodes de prospérité non plus ne sont pas dues au hasard ! Celles-ci sont permises par des initiatives innovantes et par la prise en compte de l’intérêt général. C’est pourquoi il ne faut pas adopter une posture pessimiste face à la situation actuelle. Les citoyens ont un véritable rôle à jouer dans le fonctionnement de notre économie. Il faut ainsi redonner à la finance son rôle originel comme le font certaines initiatives telles que la coopérative SPEAR. Car historiquement, elle n’a pas été conçue comme un instrument au service de quelques privilégiés, mais comme un levier de changement de la société. Or aujourd’hui, nombreuses sont les idées novatrices qui ne parviennent pas à trouver de ressources à un prix abordable auprès des circuits bancaires traditionnels.

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