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Milan au rythme de la fashion week

Disons le d’emblée, Milan est une capitale, humaine (1 324 000 habitants), économique et médiatique. Dès la gare centrale, la ville affiche sa prééminence et ses ambitions avec la tour Pirelli le plus haut gratte-ciel d’Italie. Ici, c’est l’esprit d’entreprise, l’esprit créatif qui domine. Capitale italienne, elle est aussi capitale européenne voire mondiale quand il s’agit d’art et de mode, Armani, Prada, Versace ont leur siège à Milan.

La Fashionweek

La fashionweek –la semaine de la mode- se déroule pendant une semaine en septembre autour du dôme, dans le “Quadrilatero d’oro”, le “quad” comme disent les Milanais. C’est l’événement le plus important de l’année avec la semaine de l’ameublement et du design au printemps.

Pendant cette période une effervescence particulière règne en centre ville. En rentrant à l’hôtel dans la nuit, je fus surpris de voir des étalagistes à l’œuvre pour présenter aux passants de nouvelles vitrines le lendemain. A chaque jour une vitrine plus originale, plus créative, plus osée. Ici, dans la galerie Victor Emmanuel II, des sacs Vuitton sur des jambes d’autruches, des Borsalino sur des trépieds ouune carlingue d’avion pour des sacs Prada ; là, des mannequins allongés les jambes en l’air, une partie de golf sous la neige. Quel plaisir à la nuit tombante de découvrir la fantaisie et l’imagination des responsables des magasins.

Deux mises en scène m’ont marqué. Chez Replay près du dôme, les responsables n’ont pas hésité à ériger un mur végétal à l’intérieur du magasin avec une cascade se déversant au niveau inférieur. Chez Bershka c’est une ancienne Maserati qui est la star du magasin. Mode et automobile font d’ailleurs bon ménage, le circuit de Monza n’est pas loin. Dans la boutique Mercedes, les clients doivent se faufiler autour du véhicule et via Dante, les tops models font tapisserie pendant que la foule admire le dernier concept car de la Class-A. Dans la boutique Ferrari deux bolides de Michael Schumacher servent de mobilier tandis qu’en face un concept car Peugeot est stationné devant le podium des défilés de mode.

Dans les zones piétonnes, des tops models se promènent dans les rues. Veulent-elles se faire remarquer ou vaquent-elles à leurs occupations ? Devant certains stands on en attend un fébrilement. Les photographes ont déjà calé leurs appareils. La prise de vue ne durera que quelques minutes. Sous les chapiteaux, les ingénieurs du son s’affairent, les cameramen se préparent, les maquilleuses font les dernières retouches, un défilé va commencer. Le public se regroupe et attend sagement. J’ai assisté ainsi à trois défilés : Brema, Cannela et Rifle. A la fin je me suis pris au jeu et arrivais, comme par hasard, près des endroits où un défilé était annoncé.

Le soir, il était fréquent de tomber au coin d’une rue sur une soirée organisée par une marque. La soirée Pirelli en présence d’officiels fut sans doute l’une des plus courue mais pas forcément la plus inattendue. Celle Dolce e Gabbana se déroulait près de l’hôtel. La boutique transformée en dortoir pour jeunes filles en fleurs en tenue vaporeuse d’un côté et pour vamp’ de l’autre. Au milieu des robes, des sacs et autres accessoires, les premières sautaient sur des lits au rythme de la musique d’un DJ, la seconde montraient des chaussures en prenant des poses suggestives.

Pendant cette période, Milan ou du moins le “le Quad” est le théâtre d’exposition à ciel ouvert. Cela peut-être des vues de Sicile, des silhouettes des personnalités de la mode par Allison Russel ou des statues d’éléphants : le psychédélique, le tibétain, le journaliste, l’épistolaire…

Brera, le quartier des artistes

Si les créateurs de mode ont choisi Milan, c’est sans doute parce les principaux médias y ont leur siège, parce la bourse y est présente mais aussi peut-être parce que Léonard y a laissé la Cène, parce la Pinacothèque de Brera y abrite les œuvres parmi les plus célèbres de Raphaël, deTitien, du Tintoret. Milan est une capitale de l’art contemporain depuis que Piero Manzoni (1933-1963) lança, depuis son atelier de Brera, un défi aux collectionneurs et critiques d’art en mettant en vente de la “merde d’artiste” en conserve – 30 gr. au prix de 30 gr. d’or. Depuis Brera est resté le quartier des artistes.

Les Milanais savent qu’ils résident dans une cité à l’avant-garde de la mode et de l’art et ils en tirent une certaine fierté que révèle une pointe de snobisme. Snobs mais pas hautains. Ils sont d’un naturel aimable et proposent spontanément leur aide aux touristes égarés dans les couloirs du métro (d’une propreté exemplaire soi dit en passant).

C’est à Brera au rez-de-chaussée d’immeubles du siècle dernier que sont rassemblés les artisans, les antiquaires et les galeries d’art, de préférence très conceptuelles. Au coin d’une rue, une artiste peint des vues de Porto Fino en prenant un mur blanc comme modèle.Dans les bars, il règne une ambiance différente que dans le reste de la ville. Ici, pas ou peu de touristes, des habitués, des galeristes. Je me suis arrêté au bar Brera à l’angle de la via Brera de la via dei fioriOscuri décoré de vitraux et d’affiches anciennes. A l’autre bout de la ville, il existe également un autre quartier un peu bohème, c’est Navigli, l’ancien port de Milan. Ici l’on déchargeait les marbres venus de Pavie. Aujourd’hui, le soir, on dîne sur d’anciens chalands avant de terminer la soirée dans un pub.

Entre la Porta Ticinese et San Lorenzo, ancien et moderne se côtoient avec bonheur. Là, c’est un mur végétal alimenté par des panneaux solaires qui couvre tout le pignon d’un immeuble, ici c’est un portrait géant d’Elvis Presley aux couleurs vives qui jouxte la basilique San Lorenzo Maggiore. Bâtie à partir du Ive siècle, elle sera plusieurs fois reconstruite au XIIe, XVIe siècles. Sa façade n’a été achevée qu’au XIXe siècle. Al’intérieur, une fresque représente La Cène. Pas celle de Léonard mais d’Antonio della Corna. Datée du XVIe siècle, elle fut découverte qu’au siècle dernier. L’édifice est précédé d’une colonnade antique. Plusieurs ouvrages soulignent l’anachronisme de la scène lorsque le tramway passe à proximité. Certes, mais je pense davantage à l’ensemble architectural qui s’élevait ici il y a 2000 ans, à sa magnificence, au cirque qui s’étendait à la place de ce pâté de maison. Une ville est un être vivant, Les monuments telles des cellules meurent et son remplacés par de nouvelles.

Le Dôme et les anciens édifices

Le dôme est aussi un organisme vivant. Depuis sa création, il n’a cessé de se transformer et d’évoluer. Je crois que de mémoire de Milanais, nul ne l’a vu complètement débarrassé de ses échafaudages. Commencé en 1386 sur l’ordre de l’évêque Antonio Saluzzo et de Gian Carlo Visconti, il est modifié trois ans plus tard, lorsque l’on prend le parti d’élargir la nef de trois à cinq travées.L’élévation de la façade s’étendra du XVIe siècle au début du XIXe. Viendront ensuite les pinacles, les aiguilles et les premiers travaux de restauration.

Le fait est là : avec 93 m. de large et 158 m. de long, le dôme de Milan est un édifice littéralement monumental. Sa masse écrase tout autour de lui. Massif à sa base, sa silhouette s’allège vers le sommet jusqu’aux dentelles des aiguilles de pierre. En s’approchant, on s’aperçoit que loin d’être compacte, la façade, toute de marbre blanc, est entièrement illustrée d’épisodes de la Bible. Le marbre est poli. Les artisans n’ont pas taillé la pierre, ils l’ont caressée , ciselée, joua nt autant sur les pleins que sur les vides.

A l’intérieur, la clarté éblouissante a fait place à la pénombre. Des piliers massifs flanqués de faisceaux qui se prolongent jusqu’aux nervures des voûtes. Au sous-sol, entouré de cierges, Saint-Charles de Borromée repose dans la crypte, au calme, à l’abri de bruits et des rires de la foule à l’extérieur.

Mais le saint patron de Milan, c’est saint Ambroise qui est inhumé dans la crypte de la basilique San Ambrogio. C’est le lieu le plus vénéré de la ville. Le 7 décembre, le jour du saint, un énorme marché se déploie dans tout le quartier. La basilique San Ambrogio fut fondée au Ive siècle par le saint lui-même. Précédée d’un atrium, la façade est encadrée par deux campaniles. Ces bâtiments en brique, dépouillé, austère, l’harmonie du rythme des travées, le mariage entre les briques et la pierre blanche, la force tranquille d’une croyance, alors toute puissant, m’émeuvent toujours.

Le style des bas reliefs les plus anciens, le style des aigles, télamons, sangliers des linteaux et de la chaire rappelle que nous sommes aux premiers siècles de la chrétienté. Le temps me manque pour les observer avec précision. Tout près du dôme subsiste un autre témoignage du Moyen Age milanais. C’est la piazza mercanti, un édifice en brique supporté par de larges piliers. Au rez de chaussée se tenait les halles tandis qu’aux étages était installée l’équivalent de notre chambre de commerce.

Nous passons à la Renaissance à quelques pas de là avec la Casa degliOmenoni (les grands hommes en milanais) réalisé en 1565 par Leone Leoni, artiste mais aussi collectionneurs. Il est considéré comme un ancêtre des historiens d’art actuels.

Quelques pas encore et nous passons au Siècle des Lumières avec la Scala. Sa construction fut décidée en 1776 après l’incendie du Palais Royal. L’architecte Giuseppe Piermarini joua sur le contraste entre une façade classique, sobre avec une superposition de bossages, d’un ordre ionique et de pilastres et un intérieur fastueux de stucs dorés. La Scala fut inaugurée le 3 août 1778 avec la création de l’opéra “Europa” d’Antonio Salieri puis le 11 mai 1946 après les destructions de la seconde guerre mondiale.

En face, voici la galerie Victor Emmanuel II, l’un des rendez-vous préférés des Milanais. En 1867, date de son inauguration, alors que Paris, Londres et Naples en étaient déjà dotés, Milan avec cet édifice aux voûtes de verre et d’acier entraient dans l’ère industrielle.

Modernité des voûtes de verre et de fer, traditions des façades aux stucs ornés de masques, de candélabres et autres motifs renaissance. La galerie a la forme d’une croix grecque, comme celle de Naples. Ici, les boutiques sont plus recherchées qu’en Campanie, capitale de la mode oblige. Quelques traces de la Belle Epoque subsistent derrière les enseignes modernes : Borsalino, une peinture d’un intérieur de café. Si au sol les mosaïques reproduisent les armes des grandes villes italiennes, en hauteur des fresques évoquent les principaux continents : Afrique, Amérique, Asie, Europe. Le soir, les rayons du soleil couchant traversent les verrières et donnent des jeux d’ombres sur les reliefs de la paroi. La nuit, les lampadaires dorés prennent le relais, dématérialisant un peu plus la structure.

Le cimetière monumental.

Ouvert en 1866, ce cimetière doit son qualificatif de “monumental” à sa superficie de 25 ha et surtout aux sculptures apposées sur les tombes. A Gènes, l’état de délabrement et le travail du marbre m’avait surpris, ici rien de cela. Ici, ce ne sont pas des “marchandes de cacahuètes”, du nom d’une des plus célèbres tombes génoises, qui ont épargné le peu d’argent pour leur sépulture, ici, la majorité des familles aux tombes monumentales sont des familles aisées.

L’entrée se fait par une église monumentale aux divers styles gothique, lombard et pseudo-byzantin comme aimait le faire les architectes du XIXe siècle. Comme à Gènes, les galeries couvertes de caveaux fermés d’une simple plaque se succèdent, mais point de fissures, de cassures dans les murs. Sous les arcades, les plus belles tombes sont disposées. Bien sûr, les sculpteurs, les familles jouent sur l’émotion, le chagrin, la douleur avec retenue et grâce, comme cette tombe où une jeune femme embrasse le défunt. Tout est pudeur et amour ; plus loin des enfants pleurent leurs parents. La tombe est ancienne, avant 1914, mais quelqu’un est venu disposer des fleurs au sol. Leur couleur éclaire la monochromie de la pierre mais accentue la distance entre le monde des vivants et celui des morts.

A l’extérieur, dans les buissons, sous les arcades près du temple de la Renommée, des bronzes s’inspirent de la sculpture réaliste du XIXe siècle et des naïades, dessinées par Enzo Bifoli pour la tombe de Tullo et Manglio Morgani, rappellent les formes simplifiées de l’Art déco.

Passé l’entrée, le cimetière s’articule autour des trois allées parallèles, l’allée centrale étant la principale donnant sur l’ossuaire monumental. Là, sous les pins et les cyprès les tombes se succèdent : des bustes réalistes mais aussi et surtout de véritables œuvres d’art. Ici des femmes épleurées, là, un jeune homme tout sourire ou encore un aviateur au corps d’athlète appuyé sur une hélice en train de combattre la gorgone. Certaines tombes sont à proprement parler de monumental : la Cène pour Davide Campari, une pyramide pour la famille Bruni. La famille Besenzanica en 197 a commandé une scène de vie agricole avec ouvriers et buffles grandeur nature.

Mais comme à Gènes, les tombes les plus émouvantes sont les tombes d’enfants. Cette mère qui entr’ouvre la porte de l’autre monde son bébé dans le bras, cet ange qui se penche sur un berceau et surtout, surtout cette jeune femme en marbre tenant le corps de son nourrisson. La position des bras, celle de la tête, du dos de l’enfant restent d’un réaliste poignant en dépit de la stylisation.

Après la Belle Epoque et l’Art déco, l’art abstrait des années 50 à 70 fait aussi son apparition sur quelques tombes sous forme de lame de métal, de tâches de couleurs. Les Milanais, ai-je dit, sont conscients et fières de vivre dans une des capitales de la mode et des arts. De vivre certes, mais aussi d’y reposer.

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