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Tous les romans policiers ne se ressemblent pas!

Le “Nouveau Roman Noir”, vu par Saint-Luc

C'est Régis Messac qui, le premier en 1929, a défini le Roman Policier: “Un récit consacré avant tout à la découverte méthodique et graduelle par des moyens rationnels, des circonstances exactes d'un évènement mystérieux“. De l'avis général, le premier roman policier fut “Emma” de Jane Austen (1815). Il fut suivi de “Double assassinat dans la Rue Morgue” d'Edgar Allan Poe (1841) et d' “Une Ténébreuse Affaire” d'Honoré de Balzac (1841 également). Mais ce qu'on nomme habituellement “Roman Policier” ou “Polar” recouvre en fait plusieurs genres. Même s'il existe entre eux certaines passerelles, même s'il est rare qu'une œuvre appartienne exclusivement à une catégorie spécifique, on peut principalement (les puristes noteront l'adverbe et resteront indulgents) retenir:

1)- Le Roman d'Enigme “anglais” (Conan Doyle, Agatha Christie)

2)- Le Roman Policier d'Aventures (Maurice Leblanc)

3)- Le Roman Psychosocial d'Enquête (Simenon, Léo Malet)

4)- Le Roman Policier Historique (Jean-François Parot, Ellis Peters, Claude Izner)

5)- Le Roman d'Espionnage (Ian Fleming, Gérard de Villiers, Pierre Nord, Jean Bruce)

6)- Le Roman Noir (Horace Mac Coy, James Hadley Chase, James Cain) : né dans les années vingt aux U.S.A, il s'affirme à la fin de la seconde guerre mondiale (c'est Jacques Prévert, chez qui j'allais dans les années 70 lorsqu'il habitait en face de Madame Boris Vian, Cité Véron, qui inventera en 1944 le terme “Série Noire”). Selon Wikipédia, le roman noir “désigne un roman policier inscrit dans une réalité sociale précise, et porteur d'un discours critique voire contestataire, et sur cette réalité sociale porteur d'une vision “noire” du monde“.

Le nouveau roman noir est fils de deux des genres précedents, et opère une synthèse plutôt schizophrène entre le roman noir (le roman s'inscrit dans une réalité sociale précise et la dénonce) et le roman psychosocial (description du milieu, compréhension voire tendresse à l'égard des personnages). L'enquête n'y est présente que comme passage obligé, qu'un prétexte à la découverte d'atmosphères sordides et de personnages communément humains, non plus noirissimes que saints. Alors que le roman noir classique se déroule généralement dans un lieu très circonscrit (voir le Maigret de Simenon ou le Nestor Burma de Léo Malet), le Nouveau Roman Noir emprunte au roman d'espionnage ou à celui d'aventures sa part d'exotisme, emportant pour une part du récit le lecteur sous différentes latitudes.

La seule ambition du Nouveau Roman Noir est la distraction du lecteur. Il doit ainsi être rédigé avec une certaine fraicheur de ton, une forme d'humour empreint d'autodérision, sans antagonisme à l'égard de la forme descriptive classique, faire preuve d'une grande empathie envers les personnages, dénoncer davantage les microsystèmes nés de la conjonction des intérêts des hommes que l'homme nu, élément parfois involontaire d'un système, voire ne désirant cyniquement qu'y survivre.

Ce qu'on appelle le “polar” peut en finale appartenir à tous les genres précités, quoique le roman d'énigme anglais (qui m'a toujours personnellement rasé, mais nul n'est parfait…) relève plus de ce qu'on entend trop souvent par “roman policier”. Jean-Bernard Pouy a donné une belle définition du “polar”: “c'est un genre qui permet la critique sociale, le regard sur l'époque tout en acceptant la stylistique. Il y a de tout dans le polar, et pas seulement des flics et de la viande au plafond. On peut y trouver de la dérision et de l'humour, de l'idéologie politique et des recettes de cuisine, des amours à faire pleurer (ou rêver) et, surtout, des détails ethnographiques de première bourre”.

SAINT-LUC

auteur de la série de romans noirs « Commissaire Garon »

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