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Un sentiment divergent: serez-vous curieux et mortifié à votre tour ?

Ce que je m’apprête à vous dévoiler, pourra, sans nul doute, vous sembler familier, un peu comme un air de déjà-vu, voire même de vécu. Ou a contrario, totalement risible, sur la lignée d’une grotesque histoire. Je serais folle d’attendre de votre part, une croyance totale en ce récit, étant moi-même encore sceptique sur cet aparté. Je ne suis pourtant pas folle, je vous l’assure et je n’ai point rêvé.
Divorcée, et heureuse de l’être, je vis avec mes enfants. Maman dévouée, je suis aussi une amie particulièrement invisible, n’interférant jamais dans la vie d’autrui. Les journées s’écoulent sans que rien de particulier ne survienne. De ce fait, comprenez, que je puisse m’ennuyer à mourir. Je trouve à ma vie une fadeur écœurante, donnant à mon subliminal une léthargie passive, que j’acquiesce avec le courage d’un crabe pris dans une nasse.
Dans cette épopée, que je ne tarderai à vous confier. Confier, est le terme on ne peut plus adapté, car cette anecdote que je n’ai encore jamais révélée, met en péril mon intégrité, mon honneur de femme, et surtout mon courage, c’est du moins ce que je crois. Je mettrai à nu, si je puis oser, une certaine pudeur d’esprit qui me caractérise singulièrement. Reniant l’idée narcissique, de parler de moi et de mes petits points de vue.
Je ne prétends en rien connaître toutes âmes humaines. Mais nous faisons partie du commun des mortels, et en cet état je constate et j’ajuste mes pensées, affirmant solennellement que nous sommes de curieux bipèdes, mortifiés devant l’inconnu, quoi que l’on en dise.
Seriez-vous curieux et mortifié à votre tour ?
Noël sera là dans une dizaine de jours, mais pour l’heure c’est un vendredi soir, un vendredi spécial, car mes canailles dorment chez leur père pour le week-end. N’ayant rien de particulier à faire, ni d’histoires croquantes à me mettre sous la dent, je cherche un entracte intéressant, afin d’atténuer ce long week-end qui m’attend l’œil flemmard.
Il serait judicieux, je l’admets, de profiter de l’absence de mes enfants, afin, d’entreprendre un grand décrassage de toutes les chambrés. Mais là, voyez-vous, je manque cruellement de courage.
J’ai un penchant pour l’inactivité et la flemmardise. C’est sans conteste, entièrement la faute du climat où je vis. Que voulez-vous, avant toute chose, une Niçoise, ça mange du soleil, matin, midi et soir. Ça se pomponne et ça peaufine les citations d'amour d’Oscar Wilde, pour en mettre plein la vue, les soirs de speed dating.
Enfin bref, revenons à cette soirée. J’envisage l’idée lumineuse d’une séance de cinéma, à deux rues de chez moi, débutant à vingt-deux heures trente. N’étant pas une habituée de ces lieux, j’ai soigneusement noté la rue et le nom du film trouvé sur internet : ‘Une bonne nuit d’amour en enfer’. Voilà un titre quelque peu évocateur pour une célibataire quadragénaire, en quête d’exaltation. Mon insignifiante vie à besoin de piment, de sulfureux, et ma petite personne d’une passionnante romance.
Pour cette soirée, j’ai donc arboré fièrement, mon jean fétiche, mon col roulé en mohair, ainsi que mes bottes en cuir, que j’adore. Une tenue, vous en conviendrez, qui n’attire pas l’attention sur ma silhouette. Mais j’ai pour habitude de penser, que si l’on doit fortuitement rencontrer notre âme sœur, il n’est point nécessaire, d’être courtement vêtue, la poitrine exposée aux regards de malotrus, ainsi que les lèvres vulgairement colorées !
C’est le cœur serein, l’esprit libre au chaud dans ma doudoune, que j’ai tourné ce soir-là à mi-chemin du grand boulevard, empruntant la rue indiqué sur internet menant directement au cinéma. Une rue étonnamment mal éclairée ma foi ! L’obscurité ambiante me fit frissonner. Les uniques lampadaires, qu’elle comptait, n’éclairaient que le début et la fin de cette rue malsaine, qui après un examen furtif des lieux, et devenue une ruelle littéralement malfamée. Un doute survient assez vite ! Me serai-je trompée ? Pour en avoir le cœur net, je cherche mon téléphone tout en bénissant la 3G. Je constate que la mise à jour du lieu est obsolète et que l’itinéraire indiqué est un raccourci. Un raccourci certes, à ne certainement pas emprunter à cette heure avancée de la nuit. Immobile, apeuré au milieu de cette triste et sale ruelle, je panique. Des bruits me font sursautés, une toux dans la pénombre, des chats qui se bagarre, des poubelles éventrées ou des rats rongent leur repas. Je suis même certaine d’entendre des pas. L’air ambiant devient moite malgré le vent frisquet de décembre. Des bruissements se font entendre tout autour de moi. Je n’ose ni bouger ni parler. Comment le pourrais-je ? Je suis pétrifiée et mon courage a pris la poudre d’escampette. Je fouille dans mon sac bandoulière, à la recherche de ma bombe lacrymogène. À l’aveuglette mes mains tâtonnent dans le fatras incroyable de mon sac : de vieux mouchoirs en papier, des chewing-gums, un rouge à lèvres, ce foutu tube de crème pour les mains, que j’ai longtemps cherché ! Mon porte-monnaie, des reçus de carte bancaire collés sur une sucette et toujours aucune bombe. Je maudis soudainement toutes ces fois, où je me suis promis de ranger mon sac ! Si j’avais simplement émis l’éventualité d’un tel scénario, j’aurai sans nul doute, mise de côté ma flemmardise qui n’a cessé de reporter au lendemain bien des actions. Le bruit de pas résonne sur l’asphalte. Ils s’approchent rapidement. Je jette un coup œil furtif par-dessus mon épaule. C’est à ce moment que je la vois, non loin, à quelque pas. Comment vous décrire avec simplicité ce que mes yeux essaient en vain de distinguer dans cette ruelle lugubre. En premier lieu je plisse mes yeux dans la faible clarté que m’offre le lampadaire. Je distingue une massive et imposante ombre, charpentée tel un ogre. Elle se déplace avec légèreté comme si elle flottait. Je suis figée, hypnotisée. Elle s’approche davantage, pour n’être plus qu’à un petit mètre. Cent centimètres insignifiants, d’une longueur de bras. Mais curieusement son visage reste dans l’ombre. C’est alors qu’elle m’adresse la parole. À sa voix rauque est pesante j’en déduis que c’est un homme, il ne possède aucun accent.
– Que fait une femelle seule, dans une ruelle sombre ? On cherche quelque chose ? Besoin d’aide peut-être ?
Femelle ! En voilà des manières pour qui se prend-il ? J’hésite à répondre, mais je me ravise aussitôt, car feindre l’ignorance, pourrait certainement envenimer les choses.
Courage ma fille me dis-je intérieurement, et d’un ton faussement détaché grimpant dans les aiguës à demi étranglées, je réplique en forçant une grimace, dite sympathique :
– Merci bien Monsieur, mais cela ira. Je vais juste rejoindre la grande rue. J’ai seulement été induite en erreur, mais tout est rentré dans l’ordre. Merci et bonne soirée !
Je m’apprête à tourner les talons, évitant soigneusement d’entrechoquer mes jambes tremblantes, quand avec une rapidité déconcertante, il me retient par le bras, me faisant faire volte-face.
Sans nulle alternative appropriée et n’ayant aucun courage, je ferme mes yeux et hurle de toutes mes forces, appelant à l’aide, craignant le pire.
Un rire moqueur envahit la pénombre, ricochant sur les murs décrépis. Je rouvre les yeux, et découvre sorti de l’ombre son visage. Une figure à la pâleur inaltérable, d’une grande beauté. Je suis stupéfaite, envoûtée par la finesse de ces traits angéliques, une bouche voluptueuse surmontée d’un nez parfait, une peau de nacre sans aucun signe visible d’âge. Je le dévisage happée par sa beauté. Une seule chose me glace le sang ; ses yeux aux pupilles d’un noir effrayant. Un regard transperçant, une âme insondable.
– Cessez donc de geindre femme. Je n’en veux, ni à votre argent, ni à votre corps. Ma venue en ce lieu est bien plus subtile que cela. Je ne suis là, que pour vous offrir mon aide. Voyez en ma personne qu’un bonus, un joker, qu’il est temps d’utiliser, car dans le présent où nous sommes, votre existence va instamment prendre un tournant malchanceux.
Je n’ose l’interrompre, je l’écoute discourir les mains enfouies dans les poches de sa longue gabardine noire.
– Votre destin en cette soirée, ne se présente pas sous les meilleurs auspices. Une femme esseulée, dans une ruelle étroite et sombre, est une proie facile face à un homme vil. D’ici peu un fou, un individu accro aux narcotiques, bouleversera toute votre vie, vos croyance, votre intégrité. Il bafouera votre honneur. Vous serez violentée, abusée et laissée pour morte. Ce ne sera qu’au petit matin, que les éboueurs découvriront votre corps, ici, gisant entre les poubelles au milieu les sacs d’ordures. Certes, vous vivrez, rassurez-vous, mais ne sous-estimez jamais, la force d’un tel traumatisme. Il est dévastateur, emportant avec lui, famille, enfants, amis. Ce qui, malheureusement, fera de votre existence un enfer, dont je ne vous donnerai aucun autre détail. Il n’appartient qu’à vous d’en changer le cours.
Éberluée, je le détaille avec beaucoup de soin, essayant de comprendre l’histoire effrayante qu’il me raconte.
– Qui êtes-vous, lui demandais-je ?
– Qui je suis, n’a pas de réelle importance, en revanche la décision que vous prendrez, elle, aura un impact sur votre vie et nous étayera sur votre courage.
Je riposte : excusez-moi, mais vous débarquez de nulle part, me contez une histoire totalement incroyable, fondée sur aucun fait. Croyez-vous que je sois stupide ? En quoi mon courage vous intéresse-t-il ?
Il me sourit, s’avance d’un pas. Par peur je recule, mais son visage n’est maintenant qu’à une vingtaine de centimètres. Il plonge son regard éteint dans le mien, me disant d’une voix calme et sulfureuse :
-C’est peut-être parce que vous n’êtes pas stupide que je suis là ! Qu’aurais-je à gagner, ou plutôt à y perdre ? C’est votre destin, ma chère, il vous appartient, vous avez le choix, mais plus vous ferez preuve de courage et plus votre âme s’enrichira, ce qui sera un atout pour moi.
– Mais alors, que voulez-vous exactement ?

– Ce que je souhaite n’a rien de tortueux, juste un petit contrat, une sorte de pacte si vous préférez.
– Un contrat, m’étonnais-je ! Un pacte pour quoi, et de quelle nature ?
– Il est question d’un échange à l’amiable, mais, en aucun cas négociable. Votre âme contre votre vie. Je vous parle d’une parfaite existence, sans trouble majeur, durant quinze ans à compter de ce jour.
Je le dévisage longuement, me posant mille questions. Mais la première idée qui me vint, c’est qu’il soit totalement siphonné du ciboulot. Comment une telle histoire peut être possible. Comment pourrait-il connaître mon futur ? Serait-il un voyant ? Ou peut-être, un ange pensais-je naïvement.
Sans même, que je ne lui pose la question, il me répond :
– Un ange ! Il rit, la bouche grande ouverte sur une rangée de dents éclatantes. Les humains ! Vous ne cesserez jamais de m’étonner. Vous n’êtes pas croyant et de surcroît de si mauvais pratiquants. Pourtant, dès qu’un phénomène injustifiable se présente, c’est toujours un ange ou Dieu qui en récolte la primeur. Il s‘esclaffe :
-Je suis un ange si l’on put dire, mais je ne descends pas des cieux. Ma chère mortelle, votre ignorance m’amuse. J’ai emprunté les chemins brûlants d’Hadès. Mon père, ce Dieu absent et peu aimant, m’a châtié du paradis, depuis fort longtemps.
Soudain, il déploie de magnifiques ailes noires. Il s’avance tout prêt, se penche et me souffle à l’oreille : alors quel est votre choix, la pétocharde ?
Je ne suis pas courageuse, j’en conviens. Il est vrai que ce trait de caractère n’est resté qu’un état latent. M’imaginer endurer un tel supplice, m’est impossible. Alors, à contrecœur, seule avec ma conscience, et pour la sérénité de ma famille, j’accepte. Courageusement, du moins je m’en convaincs, je cède à sa proposition. Je lui vends mon âme, par amour pour mes enfants.
– Soit, me dit-il, affichant un sourire satanique. Cette décision me ravit.
– Où dois-je signer ? demandais-je bêtement
– Nulle part, le pacte prend effet à l’instant même, par l’échange d’un baiser.
Il se penche sur ma bouche, me vole un baiser. Je suis étonnée par la chaleur de ses lèvres, elles sont brûlantes comme de la braise. Le temps de cet échange, me voilà dépossédée de mon âme. La luminosité blafarde des lampadaires tremble et il disparaît en un claquement de doigts.
Cette nuit-là, ma vie a malgré tout, et irrévocablement changé. Je vis depuis au jour le jour, attendant mon heure, avec le sentiment sous-jacent, empreint d’audace et de témérité. Au fond de mes chairs privées d’âme, je sais, que je ne suis qu’une froussarde dénuée de bravoure. Je renifle la couardise et peut-être bien de l’égoïsme. Je ne sais plus vraiment. Mais qui pourra me le dire : Dieu seul le sait…

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